Enseignement de spécialité HLP - Terminale

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Séance 4 - correction

 

 

Séance 4 : Eduquer pour formater ou pour émanciper ?

 

Eléments de correction

 

 

 

 

 

  • Lecture comparée 1 : Tocqueville / Daï Sijie

 

Quels dangers l'éducation pour tous représente-t-elle dans ces deux extraits ?

 

  • Tocqueville dresse ici un parallèle entre l'éducation égalitaire dans une démocratie, et la façon dont une démocratie poussée à l'extrême tournerait au despotisme. Il nomme l'Etat de façon explicite au début : "affaire nationale", "L'Etat", "ses agents", "le gouvernement", mais ensuite de façon plus implicite, par le biais du pronom personnel "il" qui remprend le GN "un pouvoir immense et tutélaire". Et si l'on trouve mention de "despotisme" et de "souverain", il évoque toujours les "citoyens" et "concitoyens", les "nations", et cite différents rôles de l'état : "sécurité", "industrie", "successions"...

 

L'état est comparé à une autorité paternelle, dans la manière dont elle gère tous les aspects de l'existence. En effet, l'auteur utilise à plusieurs reprises des accumulations de verbes dont l'état est sujet, et mentionne également le bonheur souhaité pour les citoyens. Toutefois Tocqueville n'en fait que mieux jaillir sa critique, dans une subordonnée hypothétique : "si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge viril". La réalité s'impose grâce à la conjonction de coordination "mais" : "il ne cherche, au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance. Les phrases qui suivent comportent elles aussi l'expression de la concession : "pourvu qu'ils", "mais il veut en être l'unique agent".

 

Le premier danger évoqué est celui de l'individualisme (dans le 2ème paragraphe). Une éducation et une société égalitaires pousserait chacun à ne plus se préoccuper que de lui-même et de son plus proche entourage. La menace que cela représente est mise en relief à la fin du paragraphe : "il n'a plus de patrie".

Le deuxième danger est celui de la disparition progressive des facultés de la pensée, et de l'asservissement aux velléités de l'état qui nivelle les individus de sorte qu'aucun de puisse s'illustrer par son individualité. ainsi, les formes négatives et superlatifs soulignent cette disparition : "moins utile", "plus rare", "plus petit espace", "il s'oppose", "il empêche", "il réduit"... La métaphore finale du troupeau et du berger résume à elle seule le risque encouru par ce type d'éducation selon Tocqueville.

 

  • Dans le deuxième extrait, Daï Sijie représente l'école comme un lieu de désinstruction et de formatage. Alors qu'il considère le lycée comme une "chance", son éducation jusqu'alors est évoquée de façon plus que critique. Les formes négatives ou les termes exprimant une privation sont nombreux : "les connaissances [...] étaient nulles", "les cours de mathématiques étaient supprimés", les connaissances "se limitant", "On nous refusa". Deux substantifs résument son état d'esprit face à cette privation : "déception et amertume".

 

De fait, cette nouvelle éducation est entièrement mise au service de la doctrine imposée par le nouveau gouvernement : des matières théoriques (mathématiques, physique, chimie) remplacées par des savoirs concrets liés à la productivité : "industrie" et "agriculture". Les symboles culturels sont également imposés à travers les manuels scolaires : "un ouvrier, coiffé d'une casquette, qui brandissait un immense marteau", "une femme communiste déguisée en paysanne avec un foulard rouge sur la tête". Les symboles évoquant le communisme chinois (l'ouvrier, la paysanne, le marteau, le rouge) témoigne de la volonté d'endoctrinement par la propagande. De même, l'opposition entre le "Petit livre rouge de Mao" et "tous les autres livres" est  soulignée avec insistante par le biais d'hyperboles : "notre seule source de connaissance", "tous les autres [...] interdits". Le narrateur est conscient du caractère factice de cette mise en scène et utilise des termes du champ lexical du théâtre : "déguisée", "endosser le rôle". Le parallélisme de la dernière phrase ("On nous refusa [...] on nous força") souligne que le narrateur a pleinement conscience d'être entièrement soumis à ces contraintes, de n'avoir aucune échappatoire.

 

L'école pour tous s'avère donc, dans ces deux cas, un moyen de supprimer toute forme d'individualité et d'étouffer toute possibilité de penser, afin de modeler chaque élève selon la volonté de l'Etat. Nous pouvons y trouver l'écho de la représentation de l'école selon le clip de la chanson "Another Brick in the Wall" de Pink Floyd.

 

 


  • Lecture comparée 2 : Kant et Dewey

 

Comment ces deux auteurs perçoivent-ils la notion de contrainte ? Quelles en sont les finalités ?

 

Dans ces deux textes, il est question de contraintes imposées à l'élève, à l'enfant. Nommée explicitement 5 fois chez Kant, elle est évoquée par Dewey par le biais de périphrases : "des choses indifférentes ou même désagréables", "mathématiques qui le rebutaient", "théorie musicale et technique du doigté", "tendances virtuelles". Elles s'accompagnent d'un vocabulaire négatif : "désagréables", "rebutaient", "aucun intérêt", "soumission", "souffrir", "soumise", "résistance inévitable", "difficile", "privations", "impose"...

On note que parmi ceux-ci figurent de nombreux termes appartenant au champ lexical de l'asservissement.

Pourtant Kant affirme que la contrainte est "légitime", "nécessaire". Pour Dewey, elle ouvre la porte à "un tout plus vaste".

 

En effet, ces contraintes, qu'elles soient l'apprentissage théorique ou la soumission à des règles, des codes, sont perçues comme une étape constituante de la construction et de l'émancipation : Dewey utilise à plusieurs reprises le futur simple et le verbe d'état "devenir", et tous deux opposent passé et avenir grâce à des indicateurs de temps tels que "auparavant", "en grandissant", "de bonne heure", "un jour".

 

De fait, ces contraintes sont pour tous deux liées à leur finalité qui est, elle, positive. Il s'agit pour Dewey de passer de l'abstrait au concret, de la théorie à la pratique : l'adjectif "intéressantes" est repris deux fois, mais aussi "servaient", "pris goût", "plus parfaitement", "son amour", "l'aideront", "étendre son horizon", "considérer la valeur", "un tout plus vaste"... Quant à Kant (;-) c'est la notion de liberté qui s'impose à lui (le terme est répété à 6 reprises ! Auquel on ajoute aussi l'adjectif "indépendant"). La contrainte est donc pour lui nécessaire à l'apprentissage de sa liberté et à l'émancipation réelle de l'individu. Ainsi, l'aide de l'éducateur est primordiale : Kant s'exprime à la première personne et parle de "[s]on élève", tout en ayant recours à des verbes d'obligation : "il faut", "il est nécessaire", "afin d'", "afin qu'"... Mais à la fin de l'extrait, l'enfant devient sujet et acteur de sa vie : "se suffire", "se rendre indépendant", "usage de sa propre liberté", "se passer du secours d'autrui"...

 

Ainsi, contrairement aux dictatures qui voient dans l'éducation un moyen de soumettre les individus à une doctrine imposée et à les priver des facultés de penser par soi-même, une éducation raisonnable et qui aurait pour but le bien de l'individu utilise la contrainte à des fins louables et servent son émancipation.

 

 


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08/10/2024
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